Yo! Comme je suis sympa (et contrairement à d'autres qui nous cachent leur production
), je vous poste ici ma dernière nouvelle qui paraitra dans le prochain numéro du fanzine Zymase (http://zymase.ovh.org)
Le thème du numéro est "Rock and Roll"
Bon, j'imagine que personne ne lira en entier, mais au moins ça fait vivre le forum
-Quoi, je suis mort ?
Cette phrase avait sauté à l’esprit de Rob, puis s’était frayée un chemin jusqu’à sa bouche. C’était plus ou moins la phrase qui venait à l’esprit des gens quand ils entraient pour la première fois dans le « Bar du Vieux Chien ». Guy, le portier, s’était même amusé à faire des statistiques là-dessus. Pas bien palpitante la vie de portier. Guy adressa un signe de tête à Rob, voyant que ce dernier était accompagné de Larry.
-Un petit nouveau ! Il ira loin celui là ! fit Larry.
-Mmph, répondit Guy
-Bon, regarde petit, à part moi, Guy, le Patron et Lise, tout le monde est dans le même cas que toi !
Rob ne savait plus très bien comment il avait atterri ici. Son concert terminé, Larry l’avait alpagué à la descente de scène –les autres devaient sûrement lui en vouloir de ne pas avoir rangé le matériel– avant de lui demander avec un sourire plein d’arrières pensés « Alors comme ça on veut vendre son âme au diable ? ». Rob avait été très surpris, car Larry devait être la première personne à comprendre le sens (très) caché de sa chanson «Squirel caravan ».
Let it fly, get me high… A moins que sa surprise ne soit venue de l’accoutrement de Larry : pantalon « pattes d’ef » blanc, chemise rose et brushing improbable. Toutes ces émotions avaient fait que Rob, après avoir bredouillé un « oui » peu convaincant, avait suivit Larry sans sourciller. Il n’avait commencé à vraiment se méfier qu’une fois que Larry l’eut fait monté sur une péniche. Et la porte de la cabine donnait directement sur ce bar, qui assurément était trop grand pour tenir dans la dite péniche. Le bar en lui-même avait une apparence des plus quelconque. C’était un bar londonien typique tout en bois et en pinte. Toutefois, Rob avait senti dés que sa tête eut franchi le pas de la porte qu’il était entré dans un autre monde. Une sorte de rêve, l’ambiance d’un couché de soleil qui finalement s’éternise, figé. Le dernier bar avant la fin du monde en quelques sortes…
Après coup, Rob se fit la réflexion que les caméléons de 4 mètres de long comme celui qu’il apercevait au fond du bar entraient rarement dans la composition du bar typique londonien. Cela dit c’était toujours plus crédible que le coup de la péniche trop petite.
-Ha ça, c’est Bill, fit Larry. Après la mort de son chien Rupert, le patron a voulu changer d’espèce pour son animal de compagnie. Et tu sais quoi ? Cette grosse bête arrive quand même à se cacher quand l’envie lui prend ! Si seulement j’avais pu faire comme lui quand le mari de ma dernière maîtresse nous a surpris ! Ha, ha, ha !
Larry était un blaireau, Rob en était maintenant certain. A présent un peu nerveux, il fit à Larry :
-Bon, et pourquoi tu m’as amené ici ?
-Ben tu voulais vendre ton âme au diable ? Le voici !
Larry pointa du doigt le barman, un grand type chauve totalement inexpressif avec des lunettes noires et une veste rose à paillette. Il astiquait mollement un verre. Alors qu’il aurait du soit pousser un cri d’horreur et chercher à s’enfuir, soit ne pas en croire un mot, Rob acceptait calmement tout ça. Tu fais quoi demain ? Ho je vends mon âme au diable. Ha, cool…
-Et donc lui c’est le diable ?
-Ha, ha ! Pas tout a fait ! Les démons à cornes, les flammes et tout le tralala c’est pas vraiment crédible, non ?
-Parce qu’un caméléon de 4 mètres…
-Ha, ha ! T’es un malin toi ! Bon si on devait donner le titre du Diable à quelqu’un ça serait sûrement à lui, mais son boulot c’est pas vraiment le mal…
-Pas vraiment ?
-Au final c’est un peu ça quand même…En fait son truc c’est le désordre.
-C’est pourtant assez propre ici…
-Ha, ha ! T’es un marrant toi ! Non, pas le désordre ICI, mais le désordre dans le monde. Disons que son boulot c’est d’éviter que les choses s’encroûtent, stagnent. Il a eu sa petite période « guerre », mais il s’est finalement calmé avec ça depuis l’arrivé des armes nucléaires…Si tout le monde meurt, l’ordre et le désordre n’ont plus vraiment de sens, hein ?
-Et concrètement il fait quoi ?
-Il crée des héros, des leaders, des dictateurs aussi. Des gens qui lui vendent son âme et qui ont en retour une destinée hors du commun.
-C’est de l’arnaque, ils bossent pour lui et en plus ils vendent leur âme !
-C’est une question de marché ! La demande, c’est tous les couillons comme toi, et c’est pas ce qui manque. L’offre, c’est lui, et uniquement lui. Cela dit personne ne sait vraiment ce qu’il fait avec les âmes…Même moi je n’en sais pas grand-chose. Tout ce qu’on sait, c’est que ceux qui roulent pour lui meurent assez tôt.
-Et donc je vais devenir dictateur ?
-Ha, ha ! T’es un rigolo toi ! Non. En ce moment, c’est pas trop son truc…Ce qui marche pas mal en ce moment c’est le Rock ! C’est bien ce que tu souhaites, devenir une star du Rock ?
-Heu ouais mais je veux pas non plus vendre mes fesses et faire du commercial !
-Ha, ha ! P’tit con va ! Ce que veut le patron, c’est des stars dont la musique déstructure les sociétés et soulève la jeunesse, des idoles dont les frasques remettent au placard les mœurs séculaires, qui foutent le bordel quoi ! Je t’ai dit, le boulot du patron c’est le désordre.
-Et pour mon âme ?
-Bon, c’est vrai que t’as pas trop de chance, les icônes du rock meurent jeunes. Morrison, Joplin, Hendrix, tu vois le genre ?
-Quoi ? Mais j’ai déjà 26 ans !
-Oui bon, après il y a des exceptions…Certains trouvent même le moyen de finir leur vie grands-pères au coin du feu…Le petit David que tu vois là-bas discuter avec le caméléon du patron, il devait mourir jeune et pourtant il a réussi à rompre son contrat. Bien sur le patron n’a pas apprécié, et il a repris ce qu’il lui avait donné comme talent.
-Et il revient quand même ici ?
-Disons qu’il a su se racheter ! On ne sait pas trop comment, le patron est très discret là dessus. Cela dit grâce à lui d’autres qu’on croyait perdus pour la cause ont fait du très bon boulot ! Tiens là-bas, le mec sans chemise, Osterberg, il lui doit tout !
Rob sentait qu’un vif sentiment d’exaltation combattait en lui contre une sourde et profonde angoisse
-Ecoute, tu signes, et on s’occupe de tout. Ca se fera tout seul. Tes chansons plairont, ton charisme sera décuplé, et tu attireras les bonnes personnes. Le patron croit beaucoup en toi.
Larry poussa amicalement Rob vers le bar, juste au niveau du patron. Tout était déjà prêt, de la feuille au couteau qui allait naturellement servir à faire couler le sang de Rob qui scellerait le pacte. Rob sentait encore grandir en lui cette immense angoisse qui ne demandait qu’à s’exprimer, mais qui était étouffée par un étrange et calme sentiment d’inéluctable. Il prit le couteau, trancha légèrement son index gauche. Il sentait la présence de Larry derrière lui, de plus en plus oppressante. Alors qu’il finissait de marquer tant bien que mal son nom sur la feuille, il demanda à Larry :
-Et ça se passe comment pour mon groupe, je dois les lâcher ?
Larry répondit d’une voix qui n’était plus tout à fait la même :
-CA N’A PLUS VRAIMENT D’IMPORTANCE MAINTENANT…
Rob releva les yeux sur un décor maintenant rempli de démons à cornes, de flammes et tout le tralala… Et il se rappela les dernières lignes de sa chanson Squirrel Caraven :
And in his eyes dances the deceit
But we trust him, as it’s our fate
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